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MAISON DU CAROUX

La Vie dans la Vallée.

9 Octobre 2022, 18:59pm

Publié par lo Secadorier

Photo lo Secadorier

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Depuis le début de la semaine… je me dis chaque jour : « je vais faire ceci, je vais faire cela…», mais il fait un franc soleil ! Les champignons sortent. L’appel est trop fort, et je m’endrailhe : vers le Roujas, vers Taouteillo, vers la jasse de Landres et la forêt du Crozet !

Je parcours les châtaigneraies, les hêtraies, les chênaies. Voici quelques « oreillettes » comme disait Marinette. Une nuée de saint Michel avec leur grand parapluie blanc remplit les sacs. Mais de cèpe point ! Je m’en retourne non pas dépité car les yeux ont fait provision d’horizons, de soleils, de mer lointaine, de sommets inaccessibles. Des rencontres de mille papillons, du bruissement des grillons ; les pas faisant gerber des nuées de sauterelles, quand ce n’est pas les cris des busards ou le sifflement caractéristique de la buse. Et plus haut, non loin de la maison forestière, une biche qui me lorgne un moment avant de s’en aller mollement vers le profond du bois.

Partout les bois ont été lessivés par les orages, des arbres entiers couchés par la tempête ; il faut cependant passer. Le ruisseau a grossi, presque sec à la fin de l’été, il est aujourd’hui quasi infranchissable. Le GR7 passe à cet endroit, et je suppose que quelques-uns se déchaussent pour le franchir ou glissent en sautant d’une pierre à l’autre et se mouillent les pieds et les souliers. J’ai réussi quant à moi à passer. En faisant le grand écart, enfin, mon grand écart à moi !

Voilà ce qui fait mon ordinaire, encore que je ne te dise pas que je me suis hasardé sur une sente inconnue, à peine balisée qui est devenu un passage complémentaire pour relier un itinéraire à un autre. Heureusement que les chasseurs, bien dérangeant à tant d’égards, maintiennent les sentes tout juste praticables ; sinon il y a belle lurette que nos montagnes seraient impénétrables autrement qu’en 4X4. Mais comment approcher les ravins aux roches fantasmagoriques autrement que par la voie pédestre ? Comment communier aux infinies senteurs et à ce tremblement infime de l’air, imperceptible si l’on n’est pas assis sur une pierre colossale, le nez au vent, à se laisser porter par la pesanteur de l’air. Dominant de l’œil les vallées qui se déroulent et s’enchevêtrent à l’infini jusqu’à la mer au midi, et vers le nord dans un tapis renouvelé de bruyère mauve.

Ainsi passent les jours. Je descends parfois au bourg. Pour le pain. Pour rencontrer monsieur Arnaud qui couve un jardin potager au bord du Jaur sous le pont du diable. J’achète des haricots verts cueillis dans l’heure que je trierai gros pour en avoir pour la soupe que je ferai bouillir avec un os de jambon. Vous voulez des aubergines ? Nous en avons ! Et la dame descend au jardin remplir mon panier. Ils ont des poires. Des poires qui rappellent celles que mon grand père faisait mûrir sur des claies. Enfin celles que je n’avais pu atteindre et manger vertes. Juteuses et goûteuses. Personne n’en fait plus des comme çà ! Aucun commerce, évidemment. Et ses salades, comme elles sont craquantes. Ils n’ont qu’un défaut ces gens ; ils sont âgés. Plus jeune, il allait à Riols chercher les plançons, chez Maître Pistre, l’Antonin de la Marie-Louise qui avaient une petite maison au fond du Foirail. Entourée du jardin avec un puits dont l’eau affleurait la terre, et qui était bonne à boire, fraîche. Marie-Louise nous en faisait des verres de sirop quand nous allions avec nos paniers, en bande de cousins, pour alimenter en légumineuses la cuisine qui n’était pas une petite affaire quotidienne pour nourrir tout ce monde. Mais quels souvenirs, et quelle ambiance c’était !

De retour je m’arrête au Moulin Napoléon, à fleur de Jaur pour une pêche miraculeuse de quelques truites cueillies en un tour de main par le pisciculteur. Je les emmailloterai quelque 48 heures plus tard dans du papier alu avec dans le ventre une feuille de fenouil sauvage du jardin, quelques grains de sel gros, et hop ! sur le gril. Tourne et retourne. C’est prêt. Et quels délices. Mes convives sont toujours surpris de la simplicité de la recette et du résultat goûteux et surprenant. Très bon pour les anciens.

Cette année je me suis griffé dans des taillis de ronces pour ramasser leurs mûres qui ont fini en confitures. Hélas, en petite quantité, car il y a beaucoup de déchets et la main d’œuvre coûte cher ! J’en ai trouvé en altitudes ces derniers jours entre deux champignons qui étaient délicieuses, grasses et sucrées. J’ai regretté d’être seul, car je connais une gourmande qui se damnerait pour ce fruit, somme toute commun ; et je n’avais pas le contenant adéquat pour son transport...Les jours de pluie, j’ai des pastèques à transformer en « miravilhas » comme disent les Provenceaux. C’est la confiture que je préfère, alors, tenez-vous bien. J’en fais des kilos.

La saison des montagnards reprend maintenant que les grosses chaleurs sont derrière nous, et que les Parisiens ont fait leur sortie, enfin pour nous. Je ne sais pas pourquoi ils l’appellent eux : « Rentrée » ? Vous avez compris que les champignons comme, bientôt les châtaignes, sont l’ «alibi », car le sens profond des sorties est de faire cause commune avec la nature pure et dure, sauvage et durable comme disent les hommes savants qui ont fait des études très sérieuses sur la question. Mais nous ne pouvons pas leur en vouloir, car eux ils n’ont pu connaître monsieur Fontès, sorti de Langlade et qui a combattu en 14 ; il montait chaque matin sur le plateau, la « saquetta » à l’épaule, pour délivrer les brebis à la pointe du jour. Ils quittaient la bergerie du Sommail pour pâturer sur la lande tout le jour. Il guidait et protégeait le troupeau durant toute la longue journée d’été, accompagné par un maigre chien noir. Puis quand le soleil déclinait, il rejoignait le hameau 500 mètres plus bas ; une belle heure de trajet encore, malgré ses soixante dix ans passés. Il montait  toujours quelques fruits pour améliorer notre ordinaire. Il nous enseignait la cuisine à la cheminée, comment confectionner un piège avec une pierre plate et des bûchettes : le « trabuquet », fabriquer un collier de brebis avec une branche de châtaigner.

Mais ce sera pour une autre histoire !

 

 

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